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  • Miles Davis - Kind Of Blue - fin

    Le son est clair et pur. Davis souffle doucement, époussette notre âme grise, fait de la place, emplit nos poumons d’un air nouveau. L’Homme n’a pas été fort avant ce moment précis. Miles ne nous enfonce pas dans un enfer sans nom, il nous ouvre les portes d’un ciel où tout peut être réinventé. Coltrane nous y attend et prend la relève. Le son puissant réveille et revigore nos entrailles poisseuses. Un rai de lumière envahit notre âme et la chauffe doucement jusqu’à ce que vie et beauté y retrouvent un foyer confortable. Nulle cathédrale ne fut un jour plus lumineuse et belle que celle-ci. Cannonball Aderley vient y poser un peu de légèreté. La malice de ces lignes mélodiques éclairées de la lumière précédente et de la fraîcheur initiale aboutit à la construction d’un paradis accessible et terrestre. Ses investigateurs célestes se chargent de détruire tout mysticisme sordide dont seraient capables des âmes trop faibles en nommant ce paradis perdu « So What », un brin provocateurs, ou simplement réalistes.

    Après l’apothéose qui précède, le contraste nous saisit et l’atmosphère retombe. Les portes d’un paradis terrestre étaient entrouvertes mais nous voilà pourtant au beau milieu d’une banalité quasi consternante. Le temps a repris son cours et l’Assassin semble être parti en pause. Reste que ses acolytes n’en démordent pas. L’Histoire est de retour accompagnées des superstitions fallacieuses des conventions en vigueur. Tel L’Enfer de Sartre, il semblerait que l’éternité banale et molle s’étende à nos pieds. Le décors est palpable et beau, mais d’une incroyable conventionnalité. L’establishement contre-attaque à grand renforts de lumières crues. Nous voilà transportés dans un hall d’hôtel ou d’immeuble bondé. L’instant d’avant, la vie semblait trouver un sens mais voilà que nous nous réveillons au beau milieu de l’Humanité et de ses attributs les plus plats. Nous voguons, happés par les mouvements de foule dans l’espoir que l’apparition, cette trompette perçante, refasse surface tout en n’ayant aucun autre moyen de la provoquer que d’attendre. Nous avançons jusqu’à la salle de bal. Là, un piano solitaire résonne sans que personne n’en joue. L’apparition sur-réaliste semble nous ramener sur les chemins divins initialement entrepris. Un cri perçant déchire le temps, la lumière tombe subitement, des nuées de pluie suintent doucement et nous voilà en tête à tête avec Lui. La peur qui trouvait sa lie dans l’anticipation s’est ici évaporée dans la déception précédente et notre garde est abaissée.

    Pourtant, c’est l’évidence inéluctable de la solitude humaine face au jugement dernier qui nous est ici exposée. Lumière et chuintements s’enchevêtrent dans cette constatation effarante de mélancolie. Bleu et vert se mélangent dans l’atmosphère douce humide. Si notre solitude nous apparaît désormais si clairement, c’est qu’elle est mise en exergue par la complémentarité lascive de ces hommes du passé.