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Musique 4 the masses - Page 2

  • Chroniques jazz

    Joe Martin : Passage, 2002
    Dans un genre proche de celui de Matt Penman, on doit également ce disque à un contrebassiste. Le quartet qui officie ici est complété par Mark Turner au sax ténor, sorte de grand frère de cette génération, ainsi que Kevin Hays au piano, qu'on a pu entendre auprès de Chris Potter récemment, et Jorge Rossy à la batterie. La musique oscille entre ballades et morceaux au rythme plus enlevé qui servent de bande son à la vie urbaine du New York contemporain.

    The New Talent Jazz Orchestra : The Sound of New York Jazz Underground, 2004
    Un titre assez ronflant pour ce double album qui cherche avant tout à dresser un premier bilan. Ce disque porte en effet le n°200 de FSNT. Pour l'occasion, de nombreux musiciens qui enregistrent régulièrement pour lui se sont réunis l'année dernière pour enregistrer 16 morceaux en grande formation : 8 originaux et 8 reprises (Coltrane, Shorter, mais aussi... Aphex Twin comme en témoigne la radioblog). Quelques très bons moments sur ce disque qui peut être une introduction intéressante à cette nouvelle scène jazz new-yorkaise, même si personnellement je lui préfère certains des disques présentés ci-dessus.

     

  • Miles Davis - Kind Of Blue - fin

    Le son est clair et pur. Davis souffle doucement, époussette notre âme grise, fait de la place, emplit nos poumons d’un air nouveau. L’Homme n’a pas été fort avant ce moment précis. Miles ne nous enfonce pas dans un enfer sans nom, il nous ouvre les portes d’un ciel où tout peut être réinventé. Coltrane nous y attend et prend la relève. Le son puissant réveille et revigore nos entrailles poisseuses. Un rai de lumière envahit notre âme et la chauffe doucement jusqu’à ce que vie et beauté y retrouvent un foyer confortable. Nulle cathédrale ne fut un jour plus lumineuse et belle que celle-ci. Cannonball Aderley vient y poser un peu de légèreté. La malice de ces lignes mélodiques éclairées de la lumière précédente et de la fraîcheur initiale aboutit à la construction d’un paradis accessible et terrestre. Ses investigateurs célestes se chargent de détruire tout mysticisme sordide dont seraient capables des âmes trop faibles en nommant ce paradis perdu « So What », un brin provocateurs, ou simplement réalistes.

    Après l’apothéose qui précède, le contraste nous saisit et l’atmosphère retombe. Les portes d’un paradis terrestre étaient entrouvertes mais nous voilà pourtant au beau milieu d’une banalité quasi consternante. Le temps a repris son cours et l’Assassin semble être parti en pause. Reste que ses acolytes n’en démordent pas. L’Histoire est de retour accompagnées des superstitions fallacieuses des conventions en vigueur. Tel L’Enfer de Sartre, il semblerait que l’éternité banale et molle s’étende à nos pieds. Le décors est palpable et beau, mais d’une incroyable conventionnalité. L’establishement contre-attaque à grand renforts de lumières crues. Nous voilà transportés dans un hall d’hôtel ou d’immeuble bondé. L’instant d’avant, la vie semblait trouver un sens mais voilà que nous nous réveillons au beau milieu de l’Humanité et de ses attributs les plus plats. Nous voguons, happés par les mouvements de foule dans l’espoir que l’apparition, cette trompette perçante, refasse surface tout en n’ayant aucun autre moyen de la provoquer que d’attendre. Nous avançons jusqu’à la salle de bal. Là, un piano solitaire résonne sans que personne n’en joue. L’apparition sur-réaliste semble nous ramener sur les chemins divins initialement entrepris. Un cri perçant déchire le temps, la lumière tombe subitement, des nuées de pluie suintent doucement et nous voilà en tête à tête avec Lui. La peur qui trouvait sa lie dans l’anticipation s’est ici évaporée dans la déception précédente et notre garde est abaissée.

    Pourtant, c’est l’évidence inéluctable de la solitude humaine face au jugement dernier qui nous est ici exposée. Lumière et chuintements s’enchevêtrent dans cette constatation effarante de mélancolie. Bleu et vert se mélangent dans l’atmosphère douce humide. Si notre solitude nous apparaît désormais si clairement, c’est qu’elle est mise en exergue par la complémentarité lascive de ces hommes du passé.

     

  • Chroniques albums jazz

    Comme annoncé dans ma note sur le récent disque de Guillermo Klein, voici un petit aperçu de quelques unes des productions les plus intéressantes à mon goût du label espagnol Fresh Sound New Talent qui documente de manière assez fournie la nouvelle scène jazz new-yorkaise. Il n'y a en soi pas d'unité stylistique entre ces différents disques. Leur seul point commun est de s'inscrire dans une démarche mainstream, partant de l'héritage du jazz moderne des années 50-60 (Miles, Monk, Mingus, Coltrane, Shorter...) en le confrontant à leurs univers propres (folklores, pop-rock, soul, etc.) et en cherchant avant tout une écriture purement jazz.

    De plus, la plupart des musiciens ont une trentaine d'années et jouent souvent dans différents projets, ce qui permet de tisser une sorte de toile générationnelle qui fait émerger une nouvelle identité sonore pour la Grosse Pomme. Enfin, en France, le label est distribué par Abeille Musique.

  • chroniques musicales hiver 2021

    John Zorn : Filmworks VIII (Tzadik)
    Alors que la série des Filmworks en est déjà au volume XVIII (je suis loin de tous les connaître), je me suis procuré, suite à ma note de l'été dernier sur le roman
    Adieu Shanghaï d'Angel Wagenstein, et sur recommandation d'Alban de ZornFan, le volume VIII qui reprend la musique d'un documentaire sur la fuite de Juifs européens vers Shanghaï au début de la Seconde guerre mondiale - thème du roman en question. Pour l'occasion, Zorn a procédé à la rencontre de Masada et de la musique chinoise traditionnelle, pour un résultat étonnant mais convaincant. On retrouve sur ce disque Anthony Coleman, Marc Ribot, Mark Feldman, Erik Friedlander, Greg Cohen et la joueuse de pipa Min Xiao-Fen

    Metropolis Shanghaï - Showboat to China (Winter & Winter)
    Un disque que je me suis procuré pour les mêmes raisons que le précédent. Il s'agit cette fois-ci d'un de ces "audiofilms" chers au label munichois Winter & Winter. Celui-ci cherche en l'occurence à restituer l'ambiance sonore du Shanghaï des années 30-40, entre musique chinoise traditionnelle, mélodies centreuropéennes importées par les réfugiés juifs, swing de bar qu'on pourrait croire tout droit sorti d'un film de Wong Kar-Waï, et bruits de la rue et de la vie quotidienne qui servent de lien à tout cela. Un album-concept dont il est difficile de rendre compte à travers un seul extrait sonore, mais c'est la contrainte du genre.

  • Chroniques musicales 2021

    Iva Bittova & Bang on a can all-stars : Elida (Cantaloupe)
    La collaboration entre la chanteuse et violoniste tchèque et les musiciens new-yorkais, vue récemment sur la scène du Théâtre de la Ville, peut aussi s'écouter sur disque. C'est exactement le même programme que celui présenté sur scène, à savoir la mise en musique de neuf poèmes en langue tchèque, au carrefour de très nombreuses influences musicales, entre folklores plus ou moins imaginaires d'Europe centrale et développements des musiques contemporaines - populaires et savantes - aux Etats-Unis. Un objet sonore pas très bien identifié, ce qui en fait tout son charme.

    Anthony Coleman : Shmutsige Magnaten - Coleman plays Gebirtig (Tzadik)
    Un récital du pianiste new-yorkais donné dans la synagogue Kupa de Cracovie en juillet 2005 sur des oeuvres extraites du répertoire de Mordechai Gebirtig, prolifique compositeur de mélodies à l'accent yiddish du début du XXe siècle. Le pianiste explore tous les coins et recoins de son instrument, du clavier aux cordes, pour donner une version explosée de la musique klezmer, bien loin de l'interprétation traditionnelle. Une tension captivante - qu'elle soit sussurée ou au contraire martellée - traverse ce bien beau disque, paru chez Tzadik... évidemment.

  • Avec Popnoname, la techno se fait un nom

    Plus que le minimalisme, c'est l'aspect mélodique que l'on retient avant tout dans la techno de Cologne. Depuis les origines (1992, 1993), des artistes comme The Bionaut/The Modernist, Gas, Global Electronic Network, Air Liquide ou Antonelli Electr., se sont fait les chantres d'une techno mélancolique, harmonieuse, fluide et pétillante comme de l'eau gazeuse. C'est ainsi que la petite ville de province allemande gagnera la reconnaissance mondiale qu'elle connaît aujourd'hui (dans le domaine de la production locale du moins, car au niveau des manifestations et festivals, la ville est malheureusement encore sous le joug de ses goûts "provinciaux" justement). Ses labels, Kompakt, Italic ou Sonig ont toujours évolué dans un cadre large, ne se contentant pas d'appliquer les recettes minimalistes de Detroit, mais métissant largement leurs productions de trance, d'acid, de breakbeat, de dub, d'ambient ou de pop. Peut-être est-ce aussi parce que, depuis le début, la musique électronique à Cologne, a plus à voir avec l'hédonisme house qu'avec la dureté techno.

    La pop, c'est justement le rayon de Jens-Uwe Beyer, alias Popnoname, tout comme la techno soyeuse et mélancolique qui fait les riches heures de la ville. Le destin, pourtant, ne destinait pas forcément Beyer à atterrir sur les terres de Michael Mayer et consorts, puisque son C.V. le décrit plutôt comme un globe-trotter, "le Jack Kerouac de la techno" même. C'est ainsi qu'on le surnomme dans le milieu des clubs. Sur White Album, le jeune Allemand laisse entendre tout ce que nous aimons dans cette catégorie : mélodies vocales parfaites (l'hymne club "No Doubt" qui évoque aussi bien New Order que Superpitcher, le rêveur "Still" qui flotte très haut au dessus de nos tristes contingences matérielles, l'hédonisme de "Mother Earth"), thèmes complexes dans lesquels la rythmique qui se met doucement en place autour d'un axe central qui évolue sur la longueur (c'est particulièrement flagrant sur un somptueux "Ferry Sponge" de plus de sept minutes), progressions inattendues, nappes, etc. Tout ce qui fait le charme des productions Italic en général (et ceux qui connaissent Rocket in Dub ou Antonelli Electr. savent de quoi je parle. Globalement, White Album est une vraie réussite, et une bonne surprise (une de plus me direz-vous) puisque nous découvrons ensemble ce nouveau talent. Avant Popnoname il y avait l'electropop, avec White Album on peut dire que Popnoname a réussi une symbiose techno pop quasi-parfaite. Rendez-vous sur son profil myspace, vous pourrez écouter le magnifique "No Doubt" et d'autres tracks.

    Popnoname - White Album (Italic/Nocturne)

  • Note sur Audion - Suckfish

    Matthew Dear revient sous le mystérieux pseudonyme Audion. Après avoir été le 1er artiste signé sur le label Ghostly/Spectral, Matthew s’est montré extrêmement prolixe en sortant une vingtaine de maxis et 2 albums sous son nom. Ce jeune homme, originaire du Texas, habite maintenant à Detroit et, s’il a été élu "Artist of the Year 2004 " par le magazine XLR8R, il est également soutenu par les meilleurs djs de la scène techno actuelle de Paris à Tokyo, en passant par Berlin

     

    sombre, sensuelle et obsédante, telle est la vision de la techno selon Audion. Et avec cette hypnotisante pochette, dans la lignée des 3 maxis qui ont précédé la sortie de l’album, Matthew Dear nous dévoile sa face la plus troublante et la plus obscure. On est immédiatement plongé dans cet univers dès l’écoute du 1er titre, Vegetables, puis le groove malsain de Titty Fuck nous fait transpirer jusqu'à Kisses et sa rythmique chaotique. L’extase finale viendra avec le très jouissif et presque disco Just Fucking. Tout un programme…

     

  • Giovanni Mirabassi - Prima O Poi

    prima.JPGSketch est mort, vive Minium ! Je me faisais l'écho, en février dernier, de la disparition du label Sketch, qui était pourtant devenu en à peine cinq ans une référence dans la jazzosphère hexagonale. Et bien il semblerait que le label renaisse de ses cendres aujourd'hui, sous un nouveau nom. Même design des pochettes et des notes de livret, même qualité sonore des enregistrements, et même artistes produits. Minium ressemble comme deux gouttes d'eau - jusque dans son site internet - à son grand frère trop tôt disparu.

    La première référence de ce nouveau label est le nouveau disque du pianiste italien installé à Paris, Giovanni Mirabassi. Après trois albums parus chez Sketch, on est ainsi dans la continuité logique. Pour l'occasion, Mirabassi alterne les pièces en trio avec le contrebassiste Gildas Boclé et le batteur Louis Moutin et celles en quartet avec son compatriote Flavio Boltro à la trompette en plus. On retrouve ce qui fait la caractéristique première du pianiste : il est un formidable chanteur. Non qu'il s'accompagne de la voix, mais il a une capacité inouie à faire "chanter" la mélodie au piano grâce à un lyrisme parfaitement maîtrisé entre tradition romantique et sens du swing. A travers une collection de dix thèmes - huit compositions originales, une reprise du Brésilien Egberto Gismonti, et un morceau tiré de la bande originale du film Le château ambulant de Miyazaki - Giovanni Mirabassi nous entraîne au pays de la belle mélodie. J'ai beau être une sorte de free-addict, je ne peux pas y résister.

    En plus, les climats rythmiques et harmoniques sont encore plus variés qu'à l'accoutumée. On a ainsi droit cette fois-ci à quelques titres au parfum très funky, notamment sur les morceaux où Flavio Boltro intervient. D'autres morceaux rendent un bel hommage à l'esthétique sonore ECM dans ce qu'elle peut avoir de meilleur (influence de Chick Corea ou de Keith Jarrett). Et, toujours, un grand sentiment ludique s'échappe du jeu de Mirabassi. On entend le plaisir pris par les musiciens à dérouler ainsi d'aussi belles chansons. Un plaisir qu'on ne peut alors que partager. Le genre de disque dont on n'est pas près de se lasser.

    J'ai ajouté deux extraits de Prima O Poi dans la radioblog (l'un en trio, l'autre en quartet), ainsi que deux morceaux tirés des deux premiers disques de Mirabassi : une reprise de la chanson de Léo Ferré Je chante pour passer le temps (sur un poème d'Aragon) tirée de son album solo Avanti, et un morceau en trio tiré de son tout premier disque, Architectures.

     

    Giovanni Mirabassi : Prima O Poi, Minium, 2005